Alors que la Commission européenne poursuit la mise en œuvre de son programme de réforme douanière à l’horizon 2028, un élément clé a suscité un vif intérêt : la proposition d’une taxe de traitement de 2 € sur les colis de faible valeur entrant dans l’UE en provenance de pays tiers. Plusieurs États membres n’attendent pas Bruxelles et annoncent déjà la mise en place de versions nationales de cette taxe.
Quels sont les frais de traitement des colis et quel problème sont-ils censés résoudre ?
Selon la réglementation en vigueur, dans de nombreux pays de l’UE, les envois de marchandises hors UE destinés aux consommateurs (B2C) d’une valeur inférieure à un certain seuil sont exemptés de droits de douane et de formalités de dédouanement. Le volume de ces envois a connu une croissance rapide, suscitant des inquiétudes. D’après une étude de CEP Research, l’UE a reçu 4,6 milliards de petits colis de moins de 150 € rien qu’en 2024, dont une grande partie provenait de Chine.
En réponse, la Commission européenne a proposé que les colis expédiés directement aux consommateurs depuis des pays hors UE soient soumis à des frais de traitement administratif fixes de 2 €. Si le colis transite d’abord par un entrepôt de l’UE (et est donc déjà dédouané), des frais réduits d’environ 0,50 € pourraient s’appliquer.
Les objectifs :
- Récupérer une partie des coûts supportés par les autorités douanières pour le traitement, le contrôle et le dédouanement du volume important d’importations de faible valeur.
- Améliorer la sécurité et la conformité des produits – de nombreuses marchandises de ce type peuvent arriver sans contrôle complet de leur conformité aux normes de l’UE.
- Égaliser les chances pour les vendeurs et les marketplaces basés dans l’UE, qui affirment que les produits bon marché non européens (souvent issus de grandes plateformes chinoises) bénéficient d’un traitement réglementaire et douanier allégé.
Mise en œuvre de la taxe sur la manutention des colis : les États membres anticipent la réforme complète de 2028
Bien que cette taxe fasse partie du vaste ensemble de réformes douanières « 2028 » (qui comprend la création d’une autorité douanière unique de l’UE, d’un centre de données douanières et la suppression du seuil de 150 € – plus d’informations dans notre article), certains États membres indiquent déjà qu’ils mettront en œuvre des frais de traitement nationaux avant un régime à l’échelle de l’UE.
- Pays-Bas : L’administration douanière néerlandaise envisagerait d’instaurer une taxe de 2 € par produit/ligne de déclaration pour les colis entrant par les Pays-Bas. Cette mesure s’explique notamment par le fait que les Pays-Bas constituent une importante porte d’entrée pour les colis en Europe et que l’instauration de taxes unilatérales risque de détourner le trafic vers d’autres pays.
- Roumanie : Bucarest a proposé un tarif forfaitaire de 25 lei (~5 €) sur les colis non-UE de moins de 150 €, avec une date de début suggérée le 1er novembre 2025.
- France : Le projet de loi de finances 2026 prévoit une taxe administrative douanière de 2 €. Au printemps 2025, la France a plaidé pour l’instauration anticipée d’une taxe nationale de traitement, avant le régime européen.
- Pologne : Le gouvernement se montre plus prudent. Le vice-ministre du Numérique a déclaré que Varsovie étudiait des solutions nationales, « tout en gardant à l’esprit que seules les solutions européennes seront pleinement efficaces ».
Ainsi, même si le déploiement à l’échelle de l’UE peut prendre du temps, des surtaxes nationales sont déjà envisagées.
Quelles sont les conséquences pour le e-commerce et la logistique ?
Pour les vendeurs et plateformes hors UE (notamment chinoises) :
Les plateformes comme Temu et Shein, qui expédient de très gros volumes de colis de faible valeur vers les consommateurs de l’UE, pourraient voir leurs coûts augmenter. Par exemple, une analyse estime que les frais de 2 € correspondent à 17 % de la valeur moyenne d’une commande Temu (estimée entre 11 et 13 €), ce qui pourrait réduire leur marge. Les vendeurs pourraient réagir en :
- Répercuter les frais sur les consommateurs (entraînant une hausse des prix)
- Réacheminement via les entrepôts de l’UE (pour seulement ~0,50 €)
- Consolidation des expéditions et des modèles logistiques
- Il convient peut-être de reconsidérer la viabilité des envois de très faible valeur.
Pour les vendeurs et les marketplaces de l’UE :
Ils pourraient bénéficier d’un équilibre concurrentiel légèrement amélioré si les importations à bas prix sont confrontées à des coûts d’importation plus élevés ou à une logistique plus lente. Certaines analyses qualifient cela de « révolutionnaire » pour le commerce électronique transfrontalier.
Pour les consommateurs
Quelques impacts possibles : hausse des frais de livraison ou des prix des produits pour les importations à très bas prix ; retards potentiels en cas d’augmentation du traitement douanier ; mais potentiellement une meilleure conformité et une sécurité accrue des produits.
Pour les prestataires logistiques et les douanes :
Cette taxe vise à couvrir la charge de travail supplémentaire des autorités douanières, qui doivent contrôler des millions de colis, vérifier la sécurité des produits, traiter les déclarations frauduleuses et garantir la conformité. Les entreprises de logistique pourraient devoir revoir leurs tarifs, modifier leurs itinéraires et mettre en place de nouvelles procédures.
Contexte politique plus large et parallèles internationaux
La taxe proposée s’inscrit dans le cadre d’une réforme majeure du régime douanier de l’UE : suppression du seuil minimum de 150 € (qui permet actuellement à de nombreux articles d’échapper aux droits de douane et au dédouanement), mise en place d’un système d’« opérateur de confiance », regroupement des autorités douanières dans toute l’UE et création de plateformes de données et d’information.
Cette mesure s’inscrit également dans les tendances mondiales. Par exemple, les États-Unis ont supprimé leur seuil minimal d’importations chinoises début 2024 et imposé des droits de douane plus élevés sur les petits colis importés de Chine. Le Japon étudierait un modèle de redevance similaire.
Que doivent faire les entreprises et les parties prenantes ?
Les vendeurs transfrontaliers et les plateformes de commerce électronique devraient revoir leurs modèles de tarification pour les colis hors UE vers l’UE, en particulier les envois directs de faible valeur aux consommateurs . Ils pourraient avoir besoin de :
- Prix pour les 2 € supplémentaires (ou ~0,50 € via l’entrepôt de l’UE)
- Envisagez de transférer la production vers des entrepôts de l’UE ou des centres logistiques sous douane.
- Surveiller l’évolution de la situation nationale dans les États membres de l’UE concernant les frais unilatéraux
- Assurer la conformité des déclarations douanières et des produits
Les retailers et les marketplaces basés dans l’UE doivent suivre de près l’évolution du contexte concurrentiel. La taxe pourrait apporter un certain soulagement, mais il est peu probable qu’elle élimine complètement les pressions concurrentielles.
Les prestataires de services douaniers et logistiques doivent se préparer à une augmentation des charges administratives : intégrer la perception des redevances, s’aligner sur les systèmes douaniers, mettre à jour les services de conseil à la clientèle.
Les consommateurs peuvent s’attendre à de légères augmentations de prix pour les importations à très bas coût, mais bénéficieront également d’améliorations potentielles en matière de conformité et de sécurité des produits.
La proposition d’instaurer des frais de traitement de 2 € pour les colis non européens de faible valeur constitue une mesure modeste, mais symboliquement importante, dans la réforme par l’UE de son régime douanier et d’importation du commerce électronique. Elle témoigne de l’inquiétude croissante des États membres face aux coûts et aux risques liés à l’essor des envois directs de faible valeur aux consommateurs, notamment depuis les grandes plateformes chinoises qui contournent de nombreux contrôles traditionnels.
Bien que la mise en œuvre complète du dispositif (y compris la suppression du seuil minimal de 150 € et l’harmonisation au niveau de l’UE) puisse prendre du temps, des initiatives nationales sont déjà en cours et les entreprises ne peuvent pas attendre.
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